Description
La critique de Jacques Benillouche dans son site « Temps et contre-temps »
http://benillouche.blogspot.co.il/2016/03/le-cheikh-de-hebron-roman-de-michele.html?spref=fb
Le Cheikh de Hébron est le troisième ouvrage de la trilogie, après La Prostituée de Jéricho et Le Kabyle de Jérusalem. Michèle Mazel excelle à nouveau dans un thriller qui mêle suspense et histoire politique de la région durant la période précédent la deuxième Intifada. Il s’agit certes d’un roman policier mais traité avec les qualités de la bonne littérature, des bons verbes et des belles phrases, loin de la vulgarité des romans de gare.
L’auteure cherche, à travers une histoire d’assassinat, de décrire l’atmosphère dans les Territoires contrôlés par l’Autorité palestinienne et leur quasi séparation avec Israël ; une manière d’informer le lecteur sur une cohabitation difficile avec les Arabes. Les barrages, les check-points, les bombes lacrymogènes, «les balles dites de caoutchouc, des projectiles avec un noyau en acier censés blesser – mais ne pas tuer- sauf qui les reçoit en pleine figure», une description rigoureuse de la part d’un véritable témoin d’une situation anxiogène. Les relations entre Juifs et Arabes s’insèrent en subliminal dans le décor du livre.
Michèle Mazel fait preuve d’un vrai don d’imagination en nous racontant l’histoire de Shuki, une ancienne des services israéliens de renseignements intérieurs, le Shabak, mêlée presque malgré elle à la recherche de l’identité réelle d’un cadavre dans un hôpital. Tous les ingrédients d’un polar d’espionnage – police, Mossad, agents secrets, tueurs – sont utilisés pour tenir les lecteurs en haleine et leur permettre de suivre la trame d’une histoire émaillée de rebondissements. Ils en profiteront pour plonger leur regard dans la véritable Histoire israélo-palestinienne qui perdure.
L’ouvrage est très documenté sur la région et sur ses traditions. On ne pouvait s’attendre à moins de la part d’un témoin qui a côtoyé la haute administration du pays aux côtés de son époux, ambassadeur d’Israël. Mais elle n’ira pas jusqu’à dévoiler des secrets d’État. Le récit regorge d’anecdotes et de références historiques avec des emprunts à l’Histoire, la vraie : «c’était ça la réalité. Une immense majorité des Palestiniens des territoires ne demandaient qu’à vivre en paix aussi loin que possible du regard des autorités».
Michèle Mazel se met parfois à rêver à haute voix de politique fiction ; c’est le privilège de tous les auteurs. Ainsi, parlant des Palestiniens, elle fait dire à l’un d’entre eux : «je crois que nous sommes condamnés à vivre ensemble. Je crois aussi que d’ici cent ans, nous ne formerons qu’un seul peuple. Un peuple ni juif, ni musulman mais laïc».
Mais grâce au génie de l’auteur, la découverte du nom du cadavre s’ouvre sur une autre énigme avec pour héros une jeune fille arabe dont Shuki se prendra d’affection à la fois pour la protéger et pour tenter de comprendre les raisons obscures du meurtre commis sur l’inconnue. Le cadavre prend progressivement une forme humaine et un visage au fil des pages, pour nous replonger dans son histoire dramatique.
Michèle Mazel a beaucoup voyagé et elle finit par nous conduire à Paris, dans les beaux quartiers, dans le milieu fermé des Libanais, où est abordé le début d’explication de l’énigme. Mais nous laisserons au lecteur le plaisir de découvrir le fond de l’histoire.
Un roman original, dense, qui divertit tout en informant, un polar littéraire.
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